les erreurs d hitler

par **FONDATEUR** Mar 15 Nov - 10:23

Les sept erreurs stratégiques fatales de Hitler (Claude Collin-Delavaud)
Claude Collin-Delavaud, Les sept erreurs stratégiques fatales de Hitler, Economica, 2007, 293 p.

La Seconde Guerre mondiale continue de susciter de nombreuses publications de nos jours. Des populations en guerre aux types d’armements, de la stratégie générale à la tactique des combats, de la psychologie de guerre à la culture de guerre, les approches du conflit ont été largement renouvelées depuis une dizaine d’années. Et sans nul doute que d’autres apporteront encore un regard neuf et novateur sur la manière de comprendre et d’appréhender le conflit mondial. L’ouvrage de Claude Collin-Delavaud s’inscrit dans ce mouvement de réécriture de cette période de l’histoire mondiale. Mais force est de souligner, d’ores et déjà, que son approche vient quelque peu bousculer les idées communes de tout à chacun sur ce sujet.

Ancien élève au Lycée Henri-IV à Paris, durant cette période, Claude Collin-Delavaud est entré dans la Résistance au Front National Universitaire. Ce vécu de guerre n’est pas, probablement, sans conséquence sur la réalisation et l’orientation de l’ouvrage. Car celui-ci n’est pas une énième analyse des opérations militaires. L’auteur part de l’idée que l’historiographie « s’est accrochée » au « bon choix de l’Histoire ». Hitler aurait pu gagner la guerre et le monde entier aurait ainsi pu changer. En partant d’hypothèses liées au déroulement des opérations stratégiques et tactiques, ce sont « sept erreurs stratégiques fatales de Hitler » qui fondent l’angle d’approche. L’ouvrage ne se présente donc pas comme une synthèse du conflit. Il est une compréhension des événements militaires à partir d’hypothèses et de scénarii.

L’ouvrage s’articule en 33 chapitres pour démontrer que les erreurs stratégiques de Hitler allaient être lourdes de conséquences pour les Nazis alors que les victoires tactiques devaient, au contraire, les effacer, du moins jusqu’en 1943 pour la plupart. L’auteur revient sur sept moments clefs du déroulement du conflit qui ont été des erreurs stratégiques que l’Allemagne aurait pu éviter : l’attaque de la Pologne qui devait impliquer l’entrée en guerre des Alliés ; l’absence de tout projet pour la poursuite de la guerre avec la Grande-Bretagne après la défaite de l’armée française ; l’ouverture d’un troisième front méditerranéen qui n’était pas prévu et planifié en 1941 ; l’offensive contre Moscou en 1941 qui devait disperser et immobiliser des forces essentielles ; l’impossible entente avec les Japonais ; l’inexistence d’une ligne de défense organisée derrière l’un des grands fleuves en 1942-1943, comme le Dniepr, à un moment où la puissance de l’Allemagne le permettait ; les retards dans la fabrication de la bombe atomique pour laquelle Hitler croyait peu malgré la capacité scientifique des savants allemands et la maîtrise de l’usine de l’eau lourde de Norvège. « Et si ces erreurs avaient toutes été évitées ? ». Pour l’auteur, aucun doute que, si elles avaient été évitées, l’Allemagne aurait gagné la guerre. Tout l’objet du livre, mois par mois, année par année, est de comprendre le déroulement des événements en suivant ces hypothèses.

L’approche de Claude Collin Delavaud ne manque pas d’audace, et elle ne peut être ignorée des passionnés ou des amateurs de cette période. Il apparaît une réelle dimension scientifique compte tenu des connaissances retenues pour argumenter cette thèse. Certes, cette approche peut apparaître contestable par sa démarche fictive, par exemple, quant à l’intervention massive de l’armée espagnole au Moyen-Orient en 1942-1943 ou quant au lancement de douze bombes atomiques sur l’Allemagne en avril 1945. Mais, comme l’écrit le Général Michel Franceschi dans la préface, « l’intérêt n’est pas là ». L’auteur, professeur émérite de géographie, donne une autre dimension géographique au conflit qui manque souvent dans les analyses d’histoire militaire. Montagnes et climats, rivières et marécages, sociétés et cultures, entre autres, sont des facteurs bien pris en compte dans un argumentaire solide où les échelles de stratégie générale, de stratégie opérationnelle et de tactique sont maîtrisées avec une grande aisance. Cette approche géographique n’est pas sans enrichir l’historiographie sur le sujet. Elle vient approfondir certaines connaissances. Par contre, on est surpris par la qualité relative des 21 cartes présentées ainsi que par la manière dont les faits historiques s’enchaînent. Le lecteur suit le cheminement des hypothèses dans une logique d’histoire bataille qui peut paraître dépassée par ce que les spécialistes appellent la « nouvelle histoire bataille » où l’homme, sa psychologie comme sa culture sont des facteurs essentiels pour saisir les causes des événements ou le vécu des hommes dans les batailles. Quoi qu’il en soit, cet ouvrage vient apporter sa pierre dans le champ des connaissances de cette période du XXe siècle.