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Le rossignol passeur

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Le rossignol passeur Empty Le rossignol passeur

Message par FONDATEUR Mar 15 Nov - 10:58

Cheikh Abdelkrim Dali




Cheikh Abdelkrim Dali . Monument de la musique algérienne

Le rossignol passeur

Musicien émérite, ce maître du hawzi, à la différence de nombreux cheikhs, fut un passeur inlassable de patrimoine aux jeunes générations.


Abdelkrim Dali (Ali) a vu le jour dans une modeste famille tlemcénienne en novembre 1914, au quartier Hart R’ma (Place des Archets), dans la médina. Ce patronyme osmanli (d’origine turque) signifierait le fou de Dieu, l’illuminé. Il habita tour à tour quatre maisons dont la dernière à Derb Ouled Essene, dite Dar Dibia. Cette localisation des lieux « lyriques » a été possible grâce à Abdelmadjid Benchenafi, ancien habitant et cordonnier du quartier. Sur les lieux, notre guide est submergé de souvenirs : « Ce ferrane (four traditionnel), à côté de Djamaâ Lalla Erriya, était tenu par un parent à lui, Ali Mustapha Dali… ». Non loin, l’ex-rue Lamoricière, en bas du cinéma Le Colisée abandonné, la boutique de ses cousins Ghouti et Sid Ahmed : « C’est ici que Dali fut apprenti et trempait les morceaux de zalabia dans le miel… ». En1918, Dali fréquente la medersa de Djamaâ Chorfa puis, en 1920, l’école indigène Décieux (auj. El Abili). Très tôt, il se découvre une forte attirance pour la musique et s’applique déjà à apprendre les rythmes. Son père, confiseur de son état, le fait engager chez un coiffeur qui, force du destin, recevait la visite des grands cheikhs de la musique andalouse. Son talent fut décelé par Cheikh Abdesslem Bensari (ne pas confondre avec Larbi Bensari), grand maître du medh, qui l’intégra dans son orchestre comme drabki (percussionniste). Il n’avait que 11 ans ! Omar Dib nous éclaire sur cette période : « Il a vécu une période particulière en ce sens que parmi les enfants de son âge, il y avait le futur Cheïkh Redouane, protégé par son père… Je suis sûr que Cheïkh Larbi Bensari connaissait la valeur artistique de Dali, mais nous savons qu’il était très possessif et avait tout misé sur Redouane… C’est vous dire l’itinéraire difficile de Dali dans la première partie de sa vie, en ce sens que, d’une part, il était orphelin, d’autre part, il n’est allé que vers des orchestres où d’autres n’allaient pas à cette époque, avec tous les tabous qu’il y avait, ces préjugés, cette guerre ouverte avec Cheïkha Tetma… Il fallait beaucoup de courage, il fallait oser… » Trois ans plus tard, il rejoint Cheikh Omar Bekhchi, son second maître, qui lui inculque les bases et lui permet de devenir chanteur et instrumentiste polyvalent (rebab, luth, kamendja, flûte, etc.). Avec son maître, le jeune musicien accompagne au tar (tambourin) Maâlma Yamna, la célèbre cantatrice d’Alger.

A la demande de cette dernière qui animait un mariage, Dali a l’honneur d’improviser un istikhbar de sa belle voix. La grande dame lui prodigue de nombreux conseils, voyant déjà en lui un futur cheikh. Suite au décès de son père, Dali, devenu chargé de famille, trouve en son maître un second père. Les soirées sont nombreuses, en été dans les mariages, en hiver dans les cafés. « Il aimait chanter au piano Youba Yo de l’Italienne Sylvana Mangano, dans l’arrière boutique de l’épicerie de Cheïkh Omar Bekhchi, je l’entendais lorsque je passais dans la Souiqa », se souvient Larbaoui Djillali, gérant de restaurant. « Il portait une gandoura en tissu pen-beach (gabardine) avec sa chechia fassia grenat… », précise-t-il. De petite taille, il était affectueusement affublé par sa famille du sobriquet de « korbas ». A la même époque, il intègre l’orchestre de Cheikh Lazaâr Ben Dali Yahia, grand maître du hawzi, puis celui de Cheikha Tetma qui le sollicite souvent pour des soirées ainsi que des enregistrements (1929 à 1930) En 1931, il participe comme chanteur et flûtiste à une représentation à Paris de l’orchestre El Andaloussia d’Oujda, dirigé par le Pr Mohamed Bensmaïne. En 1932, celui-ci le sollicite pour se produire à la Fête du Trône devant le roi Mohammed V. La même année, Dali forme son propre orchestre. En 1935, il se marie avec la nièce de son maître Cheikh Omar Bekhchi. L’année d’après, il est sollicité pour des concerts à Radio Alger. En 1938, il enregistre avec Cheikha Tetma, qu’il accompagne au violon et au luth, une vingtaine de disques chez Algériaphone qui donnèrent deux albums du Club du disque arabe. Ces enregistrements font de Dali une des figures de proue du genre hawzi et classique, si bien que Mahieddine Bachtarzi l’engage pour une grande tournée à travers l’Algérie puis une autre en France à la veille de la première Guerre Mondiale.

Les soirées qu’il anime à Tlemcen sont perturbées par l’intrusion de « Djmaâ’at Dar El Hadith qui faisait de la propagande », ce qui aurait contribué à son exil à Alger, selon un notable de la ville qui a requis l’anonymat. Notons que les soirées étaient à l’époque ponctuées de ta’briha (commande payante nominative à la criée d’une chanson, la recette revenant à l’orchestre). En 1940, dès la création de l’orchestre de Radio Alger, Boudali Safir, directeur de ladite station (ELAK), le fait venir de Tlemcen pour participer aux concerts dirigés par Mohamed Fekhardji. En 1950, il enregistre El Kaoui, Amersouli, El Hadjam et Nergheb Elmouid. En 1951, il devient professeur du conservatoire d’Hussein Dey à Alger. En 1952, il rejoint l’orchestre de Radio Alger comme musicien luthiste. Elargissant ses connaissances au contact de l’Ecole d’Alger, sous l’autorité de Cheikh Mahieddine Lakehal, Dali devait, à la mort de ce dernier, quitter définitivement sa ville natale. Il partage ses activités entre l’orchestre de la radio et celui de la troupe arabe de l’Opéra de Bachtarzi. Un ancien élève témoigne : « Parallèlement, Dali exerçait le métier d’électricien… Quand nous (élèves) étions invités chez lui, c’était la fête. Sa femme Baya nous préparait du sfendj (beignets)… Lorsque Cheïkh El Anka n’avait pas cours, il montait au premier étage du conservatoire pour savourer la voix de Dali et en redescendait enivré… ». En 1956, il se déplace au Maroc, à la tête de l’orchestre d’Omar Bekhchi, au retour d’exil du roi Mohamed V pour lequel il compose une chanson. Outre ses qualités d’interprète, notamment sa voix au timbre si pur et mélodieux, il reste attaché jusqu’à la fin de sa vie à sa vocation d’enseignant. A la disparition de Fekhardji, en 1956, c’est Dali qui le remplacera au conservatoire municipal d’Alger. Durant la guerre de libération, Dali mit son art en veilleuse comme tous les musiciens, ainsi que l’illustre l’anecdote de Cheikh Larbi Bensari qui « rangea son rebab avec les oignons ». A l’indépendance, il fit connaître ses chants patriotiques et devient membre de l’orchestre de la RTA. « Il a tenu à participer aux festivités du 5 Juillet 1962 dans sa ville natale par un concert au niveau de la prestigieuse Allée des Pins », se remémore l’historien Omar Dib avant d’ajouter : « Je garde de lui, l’image d’un homme très élégant et cultivé, chose rare dans le milieu musical de l’époque. De plus, c’était un médiateur, l’un des maillons de la chaîne de transmission de la musique andalouse. »

Blessé dans son orgeuil

En août 1964, il est au Festival de la musique classique à Tunis. En 1965, il dispose au conservatoire municipal d’Alger d’une chaire. En 1971, il intègre l’Institut National de musique en qualité de professeur et forme les choristes de la RTA avant de participer, un an après, à l’Anthologie de la musique andalouse (SNED, 1980). Deux années avant sa mort, en 1976, il effectue le pèlerinage et à son retour, enregistre un long poème historique intitulé Rihla Hidjazia qu’il fait précéder de la chanson-culte Saha Aïdkoum. Contrairement à la plupart de ses prédécesseurs et contemporains qui, jaloux de leurs connaissances musicales, les distillaient avec parcimonie, Cheikh Abdelkrim Dali a passé de nombreuses années à transmettre aux jeunes générations l’héritage musical andalou. Il mérite bien l’insigne titre de passeur. Il a également laissé une quinzaine de qacidate de son cru. Un documentaire de télévision, réalisé dans les années 80 par Djamel Khouidmi, mérite d’être signalé. Son fils, Abdelkader y évoquait, entre autres Derb Essedjane (Venelle de l’Oiselier) où naquit le Cheïkh et dont l’adresse est désormais immortalisée par une plaque commémorative, à l’initiative de l’association musicale Ettarab El Acil… Son épouse, née Bekhchi Baya, aujourd’hui décédée, s’y souvient de leur voyage en Espagne, notamment de l’accueil chaleureux à Radio Madrid où on lui demanda de chanter Ya Moustafa(chansonnette de Bob Azem, Juif tunisien, des années 60) ainsi que de l’hôtel où « le réceptionniste lui demanda s’il avait un lien de parenté avec Salvador Dali et nous donna une chambre à titre gracieux.. » ! Visiblement, l’heureuse homonymie avec l’illustre artiste espagnol fit son effet. En pèlerinage à la Mecque, il ne cesse de composer, selon le témoignage de son épouse.

« Dali est une grande perte, il est irremplaçable », dira pour sa part Cheïkh Abdelkrim M’Hamsadji, mandoliniste dans son orchestre. Son fils, Si Mohamed, se souvenait de l’installation de sa famille à Alger en 1947 : « C’est Boudali Safir qui nous a trouvé un appartement… ». A propos de son père : « Il faisait toujours une sieste quand il avait une soirée musicale. Il me demandait si sa cravate était bien ajustée, il avait toujours le souci de l’élégance… » Cheïkh Hinni Smaïl de l’association Essoundoussia, ne tarira pas d’éloges à l’égard de son maître, voire père spirituel : « Il avait une méthodologie, une très bonne pédagogie, une très grande patience avec ses élèves, c’était un ami… Il nous invitait chez lui le dimanche. » De nombreux hommages lui ont été rendus à titre posthume à Tlemcen, Alger, Oran, Paris... La commémoration du 30e anniversaire de son décès, l’an dernier, a bénéficié d’une large couverture médiatique, radiophonique notamment. Son œuvre complète a été éditée en CD lors de la manifestation Alger 2007, capitale de la culture arabe. Mais on ne le trouve pas sur les rayonnages des disquaires de Tlemcen. Ne dit-on pas que nul n’est prophète en son pays ? L’inégalable interprète de Yamen saâd n’har el youm est, par contre, magistralement présent sur le net, via Google vidéo, Daily Motion (heureuse consonance) et Youtube.fr… Cheikh Smaïl Hinni, président de l’association El Inchirah a souhaité que l’on décore à titre posthume Cheïkh Abdelkrim Dali de la médaille de mérite. Sa petite fille, Wahiba, qui prépare une biographique de son grand-père, a suggéré que l’on baptise le conservatoire municipal de Tlemcen en son nom.

Dans le documentaire précité, son fils aîné, Mahmoud, évoque un souvenir à la fois émouvant et troublant d’un père ulcéré de voir à la télévision un jeune chanteur de hawzi interpréter incorrectement une de ses qacidate, Djabet Yamina. Bien qu’à l’article de la mort, il demanda qu’on lui apporte sa kouitra (mandoline) pour réhabiliter son œuvre, massacrée en direct, d’autant qu’il entamait une compilation de son répertoire medh pour l’INM. Accompagné au mizane par son fils, le Cheïkh exécuta trois couplets puis s’écria à l’adresse de son vis-à-vis sur l’écran : « Arrête ! ». Ce fut la dernière volonté d’un perfectionniste, l’ultime soubresaut d’un artiste blessé dans son orgueil. C’était la veille de sa mort ! Selon Omar Dib, il avait rendez-vous le lendemain à l’hôpital Mustapha avec le Pr Tedjini Haddam pour une visite qu’il reportait à chaque fois malgré les invitations répétées du médecin et admirateur. Le 21 février 1978, s’éteignait à l’aube en son domicile à Hydra, Cheikh El Hadj Abdelkrim Dali, dont la renommée s’étend sur tout le Maghreb. Il fut enterré au cimetière de Sidi Yahia, non loin de la tombe d’Ahmed Wahbi, par un jour de Mawlid Ennabaoui Echarif
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